Axelle Truquet - Nice Matin
Date de publication :
12 juin 2022
Pendant des années, l'épouse de Philippe Claudon a mal dormi. Elle était sans cesse réveillée pendant la nuit. Elle n'a pourtant aucun problème de sommeil. En réalité, celui qui en a un, c'est son mari : il souffre du « Syndrome des Jambes sans Repos » (SJR), « les impatiences » comme disaient les aînés.
La conséquence de ce mal étrange : des mouvements incessants des membres (le plus souvent inférieurs) et une envie constante de bouger. Philippe Claudon est le correspondant pour les Alpes-Maritimes, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes de l'association France Ekbom; Marc Bazalgette s'occupe des Alpes-Martimes. Ces deux amis, âgés de 73 ans, luttent contre ce syndrome depuis des décennies.
Pour autant, leurs symptômes ne sont pas totalement identiques ; « c'est différent pour chaque patient », précisent-ils. Pour Philippe tout a commencé il y a une quarantaine d'années. « Sans m'en rendre compte, je bougeais toute la nuit. Mes jambes se levaient toutes seules et retombaient d'un coup. Ensuite, ça a été les bras en plus. Cela ne me gênait pas particulièrement - en tout cas moins que mon épouse, que je réveillais sans le vouloir ! » J'avais fait des examens, mais on n'avait rien trouvé. Seulement, dans les années 2000, j'ai commencé à avoir franchement mal aux jambes. J'ai vu mon généraliste, puis un rhumatologue... Mais ils ne trouvaient rien. Cela devenait de plus en plus embêtant. Je passais mes nuits à marcher, parce-qu'il n'y avait que ça qui me soulageait. Un jour, j'ai consulté une neurologue qui a rapidement fait le lien avec le Syndrome des Jambes sans Repos. Ça m'a rassuré d'avoir enfin un diagnostic. Ma mère elle-même, à l'époque, parlait aussi de ses « impatiences » ; elle décrivait des fourmillements dans les membres, mais ça ne la gênait pas et elle n'avait pas de douleurs. De ce fait, elle n'avait jamais cherché à savoir de quoi il s'agissait exactement. Comme c'était beaucoup plus gênant me concernant, j'avais besoin de savoir précisément ce qu'il m'arrivait, et surtout de trouver quelque chose pour me soulager. »
« Lorsqu'on est concentré, ça va »
Une fois qu'un nom a été posé sur son mal, Philippe Claudon a pu bénéficier d'un traitement. « Il existe plusieurs types de molécules. Comme beaucoup de personnes dans mon cas, je prends des agonistes dopaminergiques, des médicaments prescrits classiquement aux malades de Parkinson, mais à des doses bien moindres dans le cas du Syndrome des Jambes sans Repos. Ils donnent de bons résultats même si je me réveille encore régulièrement la nuit. Pour l'anecdote, les Anglo-Saxons surnomment les personnes dans mon cas les "nightwalkers", les marcheurs nocturnes. »
Anticiper toutes les sorties
Marc acquiesce à ce descriptif et poursuit : « C'est gênant au quotidien. Des exemples : on ne peut pas aller normalement au restaurant, au cinéma ou au théâtre. Ou alors, il faut anticiper et prendre des antidouleurs en préventif. Cela ne semble rien, mais rester sans bouger pendant une heure, c'est impossible pour nous si on n'a rien pour nous soulager. » Des situations très fréquentes, qu'il faut apprendre à gérer.
« Certaines personnes de l'association ont trouvé des petits trucs. Il y en a qui font du point de croix, de la broderie ou du coloriage : comme ce sont des activités qui demandent de la concentration et de la minutie, ça permet de focaliser l'attention, et les fourmillements s'atténuent. »
C'est justement pour partager toutes leurs astuces que Philippe et Marc organisent, une fois par an, une grande réunion en tant que correspondants régionaux de l'association France Ekbom. Ils se tiennent également disponibles pour renseigner tous ceux qui souhaiteraient avoir des informations.