Clémentine marche 5h / jour pour soulager les douleurs du syndrome des jambes sans repos : "Les gens me prennent pour une folle alors qu’ils ne savent rien"
Le syndrome des jambes sans repos perturbe le quotidien de nombreux patients mais reste largement méconnu. Une jeune Belge raconte comment elle parvient à dompter la douleur, dans un environnement parfois peu réceptif à son besoin de bouger.
Le syndrome des jambes sans repos (SJR) est un trouble neurologique qui provoque des picotements, des fourmillements, des sensations de brûlure dans les membres inférieurs. Les malades sont pris par des envies irrépressibles de bouger les jambes. Des mouvements qui soulagent momentanément la douleur. Le SJR étant peu connu et sous-diagnostiqué, les patients se sentent parfois incompris. C’est le cas de Clémentine (prénom d'emprunt car la personne veut garder l'anonymat), une jeune Belge qui nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous. La maladie qui l’affecte est pourtant assez répandue, avec une prévalence allant de 2 à 20% de la population, indique le Docteur Michel Gonce, neurologue et spécialiste des mouvements anormaux.
Une importante errance de diagnostic
Clémentine, étudiante d'une vingtaine d'années, a commencé à souffrir du SJR il y a trois ans. "C’est venu petit à petit. Au début, les douleurs étaient assez espacées, puis ça se rapprochait de plus en plus", raconte-t-elle. Son médecin a d’abord mis ces symptômes sur le compte du stress. "Mais je ne suis pourtant pas une personne particulièrement stressée", affirme la jeune femme. La maladie a finalement été diagnostiquée 6 mois après l’apparition des premières douleurs. Un temps relativement court pour ce syndrome qui donne souvent lieu à une importante errance de diagnostic, estime Robert Parisot, président de l'association France Ekbom, qui se consacre au combat contre le syndrome des jambes sans repos. "Moi ça a été trois ans", indique-t-il à titre de comparaison.
Pour identifier le syndrome des jambes sans repos, il existe une liste de critères obligatoires, présente le Docteur Michel Gonce. Le sujet ressent "un besoin impératif de bouger les jambes, accompagné ou causé par des sensations désagréables, pénibles au niveau des jambes". Il perçoit un "soulagement partiel ou total de l'inconfort en marchant ou en étirant les pieds et les jambes". Les douleurs surviennent ou s’intensifient quand le sujet est inactif, par exemple assis ou allongé, et généralement le soir ou la nuit.
Les insomnies, un problème majeur pour de nombreux patients
Le SJR suit un rythme circadien et peut connaître de graves problèmes d’insomnie, avec des conséquences importantes sur la qualité de vie : fatigue, irritabilité, manque de concentration, dépression… "Pas mal de patients se réveillant la nuit se lèvent, déambulent pendant un quart d'heure, vingt minutes, pour se recoucher", indique le Docteur Michel Gonce. Si Clémentine passe de bonnes nuits, ce n’est pas le cas de nombreux autres patients, à l’image de Robert Parisot, 67 ans : "Dès que je suis couché, j’ai des décharges électriques. J’ai les jambes qui se mettent à bouger, les bras aussi. Il faut que je me lève et que je marche. Je n’ai pas les choix", raconte le président de l'association France Ekbom. Ces nuits agitées peuvent bouleverser la vie professionnelle des malades les plus gravement atteints. "Quand vous ne dormez pas de la nuit, vous êtes moins bien et vous n’êtes pas sûr de bien dormir la nuit suivante", témoigne-t-il.
Pas de remède, mais des solutions pour apaiser les symptômes
Une fois le diagnostic posé, Clémentine a commencé un traitement médicamenteux. "Les traitements soulagent mais ne soignent pas", précise Robert Parisot. "On ne connait pas la cause du syndrome", explique-t-il. Néanmoins, les recherches indiquent qu’une carence en fer, entravant la production de dopamine dans le cerveau, serait impliquée. "Il peut y avoir une hérédité", ajoute le Docteur Michel Gonce. Ce qui se vérifie d’ailleurs dans le cas de Clémentine : son grand-père souffrait également du SJR. Autre facteur important, la jeune femme souffre d’hypothyroïdie, un problème hormonal qui fait partie des "causes reconnues" du syndrome, indique le docteur. Pour soulager ses maux, Clémentine prend 7 comprimés quotidiennement et ne ménage pas ses efforts.
La jeune femme marche 5 heures par jour, par tous les temps, en plusieurs étapes. De longues promenades qui la calment, confie-t-elle, mais en surprennent plus d’un: "Les gens me prennent pour une folle quand je leur dis que je marche 5 heures par jour". "La marche permet de lever ou, en tous cas, de diminuer les symptômes du SJR mais l'effet n'est, en général, que temporaire", explique le Docteur Michel Gonce. Si le scientifique estime que les patients s’imposent rarement de marcher autant, une telle habitude n’a rien d’étonnant pour le président de l’association France Ekbom. Cette activité a néanmoins chamboulé l’emploi du temps de Clémentine.
Des répercussions dans la vie de tous les jours parfois mal perçues par le corps médical et l’entourage du patient
"Je suis obligée de faire des cours du soir parce que tenir une journée en classe, c’est pas possible", raconte l’étudiante. En effet, les troubles du SJR ont tendance à s’accentuer pendant les périodes de repos ou d’inactivité, en position assise et couchée. Suivre un cours est donc devenu "assez difficile"pour Clémentine. "Mes jambes tremblent beaucoup quand je suis assise", remarque-t-elle. De petits mouvements qui ont parfois agacé ses camarades. "On appelle aussi cela des ‘impatiences’", indique Robert Parisot. Des fourmillements si pénibles qu’ils l’ont à plusieurs reprises poussée à demander au professeur de sortir de la classe. "Certains trouvaient que cela perturbait le rythme du cours quand je leur disais que j’avais besoin de marcher", regrette-t-elle.
"Les gens ne savent pas les problèmes que ça peut créer mais se permettent quand même de dire des choses", déplore Clémentine. Pour le président de l’association France Ekbom, cette incompréhension trouve sa source dans une méconnaissance "totale" de cette maladie : à la fois du public, des médecins généralistes et des neurologues. "Les médecins généralistes ne vont pas vous croire. Pour eux, vous bougez et puis voilà, ça ne vous empêche pas d’aller bosser ou quoique ce soit", regrette-t-il. L’association dont il est le président a d’ailleurs édité et distribué un livre à tous les neurologues de France pour les sensibiliser au syndrome SJR.