Willis-Ekbom : une affection largement sous-diagnostiquée
La maladie de Willis-Ekbom ou syndrome des jambes sans repos est encore trop méconnue et sous-diagnostiquée.
Pourtant, il y a plus d'un siècle, ses symptômes ont été parfaitement décrits par le grand neurologue Georges Gilles de la Tourette.
Le Dr Petiau, neurologue strasbourgeois, est spécialiste du sommeil et du syndrome de Willis-Ekbom. « Le diagnostic est très facile à faire en quelques questions », souligne-t-il. « Et Gilles de la Tourette avait déjà fait une très belle description de cette maladie en 1898. Pourtant, le syndrome a été très méconnu jusqu'il y a vingt ans. Cela provoque des retards de diagnostic et des erreurs de diagnostic. »
La première chose à savoir est que le syndrome des jambes sans repos n'est pas un problème veineux. « Ce qui le caractérise, ce sont les symptômes désagréables dans les jambes au repos et qui sont soulagés par le mouvement. Ces symptômes sont plus importants dans la soirée et en début de nuit, ce qui est l'inverse des problèmes veineux. »
Un éventail de gravité des symptômes
Dans sa pratique, le spécialiste voit beaucoup de syndromes de Willis-Ekbom. « La question, c'est le seuil. Il y a tout un éventail de gravité de l'intensité et de la fréquence des symptômes. Les plus intenses sont très gênants et impactent la vie sociale ou le sommeil, représentant quelques pourcents de la population. »
Certains patients vont s'endormir tout de suite et se réveiller une heure après. D'autres n'arrivent pas à s'endormir avant le petit matin. « S'ils peuvent dormir tard dans la matinée, ils vont arriver à se reposer. Mais s'ils travaillent le matin, ils vont être en manque de sommeil », indique le médecin. Pour lui, le terme des jambes sans repos n'est pas approprié pour décrire cette pathologie. « Les sensations douloureuses peuvent aussi toucher les bras et ces symptômes sensorimoteurs ne sont qu'un aspect de la maladie. Il y a aussi un état d'hyperactivation du cerveau, d'hyper-réveil qui est incompatible avec le sommeil. »
La maladie a une composante héréditaire avec des pathologies associées comme une carence en fer. Quand cette carence est corrigée, il y a souvent une amélioration des symptômes. « On pense aujourd'hui qu'il y a un problème dans les gènes qui régulent le transport de fer dans l'organisme et notamment vers le cerveau », note le médecin. « Car le fer n'est jamais libre quand il circule dans l'organisme, mais accroché à des protéines cargos comme la ferritine. »
Lui-même a publié il y a quelques années, avec l'hôpital de Rouffach une étude sur quatre patients qui avaient à la fois une hémochromatose et un syndrome de Willis-Ekbom. « Ces patients avaient à la fois une accumulation de fer dans le foie et un manque de fer dans le cerveau. »
Il donnera une conférence sur la maladie de Willis-Ekbom, ce samedi à Strasbourg, lors de la matinée d'information organisée par Evelyne Magnier, correspondante régionale de l'Association France Ekbom.
Facteurs aggravants à éviter
« Il y a aussi des facteurs aggravants ou déclenchants, comme les excitants : café, coca, tabac, alcool et certains médicaments. Et des facteurs pyschologiques, comme l'anxiété. Dans la prise en charge, pour le neurologue, il faut en premier rechercher la présence de ces facteurs et la carence en fer et les corriger. Et seulement après donner des médicaments qui, pour la plupart, ont des effets secondaires gênants à long-terme. »
Le Dr Petiau pense aussi que les patients naissent avec le syndrome : « Quand on les fait parler sur leur sommeil, ils disent qu'ils étaient des bébés connus pour bouger tout le temps ! Quand la maladie se manifeste chez des personnes jeunes, c'est que la composante héréditaire est forte. Quand ce sont des patients plus âgés, elle est moins pregnante et d'autres facteurs entrent en compte. »