Date de publication :
01 novembre 2024
Syndrome des jambes sans repos : prudence avec les agonistes dopaminergiques
Curieusement, le spécialiste de l'Hôtel-Dieu, lorsqu'il fait mention des médicaments de remplacement ou de complément, notamment les opïodes, ne cite pas l'Oxsynia (Oxycodone+Naloxone) qui a été mis en place spécifiquement pour le SJSR. Il a l'AMM dans cette indication et est remboursé officiellement., contrairement aux agonistes.
PARIS — Dans la prise en charge d’un syndrome des jambes sans repos (SJSR), l’utilisation du traitement de référence par agonistes dopaminergiques « doit être retardée au maximum, surtout chez les patients jeunes », pour limiter le risque de complications, a rappelé le Dr Jonathan Taïeb (Hôpital Hôtel-Dieu, AP-HP, Paris), lors d’une intervention aux
Journées nationales de médecine générale (JNMG 2024)
[1].
L’objectif est notamment d’éviter
un syndrome d’augmentation, qui se traduit par une aggravation des symptômes sous agoniste dopaminergique. Au service « Sommeil et troubles de la vigilance » de l’hôpital Hôtel-Dieu, où le spécialiste exerce, « seuls 10 à 15% des patients avec un SJSR sont traités par agoniste dopaminergique ».
Il s’agit d’une maladie fréquente, qui touche 8% de la population générale en France, majoritairement des femmes.
Trouble de la régulation du fer
La prise en charge d’un SJSR passe en premier lieu par une correction des facteurs aggravants et d’une éventuelle carence en fer (ferritine sérique <75 ng/mL), ainsi que par des conseils sur l’hygiène de vie, avant d’envisager un traitement spécifique, « en cas de sévérité et de symptômes altérant la qualité de vie », a rappelé le Dr Taïeb.
Le syndrome des jambes sans repos ou maladie de Willis-Ekbom se manifeste par une envie impérieuse de bouger les jambes, associée à des sensations désagréables (démangeaison, picotements, décharge électrique…), généralement au niveau des membres inférieurs. Il s’agit d’une maladie fréquente, qui touche 8% de la population générale en France, majoritairement des femmes.
Ces « impatiences », qui surviennent en général le soir et la nuit pendant les phases de repos et d'inactivité, sont soulagées de manière transitoire par le mouvement (marche, étirement du pied…). La maladie se traduit également par des mouvements périodiques pendant le sommeil et des difficultés à s’endormir en raison d’un état d’hyper éveil.
Ce syndrome, dont l’origine est encore mal comprise, serait lié à des troubles de la régulation du fer, qui provoque une carence en fer au niveau cérébral, ce qui induirait une hausse de la synthèse de dopamine et de glutamate. La dérégulation aurait une origine génétique, même si les facteurs environnementaux sont aussi soupçonnés.
Cinq critères diagnostiques
« Entre 40 et 60% des patients rapportent des antécédents familiaux », souligne le Dr Taïeb. Le vieillissement est aussi un facteur de risque, en raison de l’altération du système dopaminergique lié à l’âge, « mais aussi à une prise plus importante de médicaments », dont certains peuvent provoquer ou aggraver les symptômes. Après 65 ans, la prévalence du SJSR est de 10%.
« A l’inverse de la maladie de Parkinson, il y a un excès de dopamine libéré, ce qui va réduire la sensibilité des récepteurs à la dopamine et générer une dérégulation », a précisé le spécialiste.
Le diagnostic de la SJSR est clinique.
Selon un consensus des experts de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS), le diagnostic repose sur cinq critères cliniques :
- Besoin intense et irrépressible de bouger les membres inférieurs, plus ou moins accompagné de sensations désagréables ;
- Aggravation des symptômes au repos, le patient est en incapacité à rester en place
- Soulagement des symptômes par le mouvement (marche ou étirements) ;
- Augmentation de la sévérité des symptômes le soir et la nuit (aggravation vespérale) ;
- Absence d’autres causes (myalgie, insuffisance veineuse, artériopathie oblitérante des membres inférieurs…).
Le SJSR ne doit pas être confondu avec le
syndrome des mouvements périodiques des jambes (MPJ), qui se manifeste pendant le sommeil, même si cette pathologie est fréquemment associée au SJSR. Le diagnostic du MPJ se base, lui, sur un examen par polysomnographie.
Supplémentation en fer
La prise en charge passe par une supplémentation en fer en cas de ferritine < 75 µg/L. La priorité est également de corriger les facteurs aggravants, comme la consommation de caféine ou la prise de certains médicaments (antidépresseurs neuroleptiques, lithium, anti-histaminiques, oxybate de sodium…), qu’il convient d’arrêter ou de substituer.
« Les antidépresseurs sont les médicaments qui favorisent le plus l’apparition des symptômes du SRJR », précise le Dr Taïeb. La miansérine, très utilisé dans le traitement des troubles du sommeil, est particulièrement à risque. « Il faut alors évaluer avec le psychiatre la possibilité d’arrêter ou de modifier le traitement ».
Des changements de comportement pour améliorer l’hygiène de vie (éviter le café, l’alcool, le tabac, se coucher et se lever à heure fixe, pratiquer une activité physique régulière, faire des exercices de stretching avant de se coucher…) peuvent aussi s’avérer suffisants pour atténuer les formes légères de SJSR.
En l’absence d’amélioration satisfaisante, un traitement spécifique est à envisager après avoir évalué la sévérité du syndrome, en utilisant le
score IRLS. Le traitement est indiqué en cas de SJSR modéré à sévère (score IRLS≥ 11) ou lorsque la qualité de vie est impactée, malgré l’exclusion des facteurs aggravants et les changements de comportement.
Antiépileptiques en première ligne
Comme dans le syndrome léger persistant malgré une ferritinémie > 75 ng/mL, un traitement symptomatique par antalgique peut être proposé en cas de SJSR modéré à sévère occasionnel, en recherchant la posologie minimale efficace. « Le médicament antalgique est à prendre une heure avant l’apparition des symptômes ».
Deux antalgiques opioïdes sont recommandés : le tramadol (50 mg, puis augmentation, si besoin, jusqu’à 100mg) et la codéine (paracétamol codéiné 500/30 mg, jusqu’à 60 mg de codéine, voir plus), potentiellement plus à risque d'addiction. Seule la codéine peut être utilisée pendant la grossesse.
Dans les formes plus sévères, les recommandations internationales préconisent les antiépiléptiques ligands alpha 2 delta (gabapentine et prégabaline) en première ligne. La gabapentine (Neurontin®) serait plus appropriée que la prégabaline (Lyrica®), en raison d’un effet sédatif moins important.
Enfin, les agonistes dopaminergiques à faible dose (pramipexole, rotigotine ou ropinirole) sont proposés en deuxième intention et dans les cas les plus sévères (les
posologies sont indiquées dans le consensus de la SFRMS). « Les agonistes provoquent une meilleure réponse des récepteurs à dopamine. Mais l’effet peut aussi s’inverser et accentuer les symptômes », rappelle le Dr Taïeb.
Le syndrome d’augmentation peut apparaître après plusieurs mois, voire plusieurs années sous agoniste dopaminergique.
Syndrome d’augmentation et TCI
Cette complication des agonistes est le syndrome d’augmentation. Ce syndrome est caractérisé par une hausse de la sévérité des sensations désagréables, pendant au moins cinq jours par semaine. Les symptômes surviennent également plus tôt dans la journée et s’aggravent avec l’augmentation du traitement par agoniste.
Le syndrome d’augmentation peut apparaître après plusieurs mois, voire plusieurs années sous agoniste dopaminergique. Le traitement doit alors être adapté
en optant pour des molécules à demi-vie longue, puis les doses sont réduites progressivement. Un relais progressif vers un antiépileptique est à envisager. En cas d’échec, il est recommandé de passer aux antalgiques.
Autre risque majeur des agonistes dopaminergiques : l’apparition d’un trouble du contrôle des impulsions (TCI), qui peut se traduire par des achats compulsifs, des addictions aux jeux ou une hypersexualité,
des troubles qui s’observent également chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, traités par ces mêmes médicaments.
Même si le traitement par
agoniste dopaminergique est le seul à avoir une AMM* dans cette indication, son utilisation impose d’être vigilant, insiste le Dr Taïeb. « Ce n’est pas un traitement anodin. Il vaut mieux l’utiliser le plus tard possible ».
Nota ,
rectif selon l’AFE : * L’oxsynia aussi à l’AMM, obtenue par société Multipharma le 15 janvier 2018